Postface sur l’édition : Marc Michiels – Au commencement était le regard ! – Marc Michiels (2023), Ed. du Panthéon.
vant de m’endormir, c’est toujours le même rituel,
un peu d’encens, un livre et le ronronnement
de mon chat à mes côtés.
C’est comme si par ses vibrations nocturnes il invoquait le passage
à l’autre monde.
Comme si chaque nuit était différente de la précédente.
Vous ne le savez peut-être pas, mais certains d’entre nous
n’en reviennent pas, attachés pour toujours aux sirènes colorées.
Figés par l’image au fond des yeux,
l’image de tes yeux au fond de mon âme !
Le rêve est une autre vie pour celui qui sait se fondre dans les plis du voile d’ivoire qui nous sépare du monde visible du monde en creux ; une crevasse, diront certains… Jusqu’à se fondre avec audace dans les couleurs nacrées et
chatoyantes des aurores boréales et où chaque moment passé est précieux car fugace ! Telle une brise claire, humide et discrète dans la chaleur moite d’un monde incandescent !
Mon chat s’endort toujours avant moi, collé contre ma jambe, rassuré…
Mais, je le sais bien, il part en éclaireur.
Alors je l’observe du coin de l’œil, l’autre étant occupé à lire les
mouvements du monde.
J’écoute sa respiration, j’accompagne ses rêves
Où le corps n’accompagne pas l’âme.
Où le regard intérieur ne s’accompagne
d’aucun vêtement, une muse et un poète.
Les paupières deviennent alors plus lourdes.
Le chat se réveille, fait sa toilette.
Sa courte nuit est finie, je peux donc m’endormir : la voie est libre.
Ma nuit ne fait que commencer !
Ces images sont le reflet de l’écume des vagues,
des sensations qui s’échouent sur le sable.
Tandis que la nature intrinsèque de ces vies passées,
ces traces laissées par la mer sont des espaces
invisibles sous la lumière, ces empreintes sur cette terre réelle
dans l’ombre des planètes, sont la nature véritable de ces voyages :
entre éveil et permanence de l’esprit,
entre réveil et douce mélancolie,
entre rêve et instabilité permanente…
Pour que cessent ces réincarnations volontaires,
ces morts involontaires.
Pour que cessent ces mots et ces interrogations,
ces images aux sens si-tif.
J’ai déposé ce lourd fardeau que je portais, dicté par la fin d’une lignée
et, de ce fait, par la fin des naissances même involontaires !
L’homme sachant dire devra, bien souvent, transformer un verbe transitif en verbe intransitif pour photographier ce qu’il ressent, et non, comme le commun des animaux-hommes, pour se contenter de le voir dans le noir…
… Si je veux dire que j’existe en tant qu’âme individualisée, je dirai :Je suis moi.
Mais si je veux dire que j’existe
comme entité, qui se dirige et se forme elle-même,
et qui exerce cette fonction divine de se créer soi-même,
comment donc emploierai-je le verbe être ?
Je dirai :
Je me suis.
J’aurai exprimé une philosophie entière en trois petits mots.
Ça y est, le noir disparaît peu à peu pour se retrouver !
Dans des mondes éphémères, après un éclair détachant la frontière
Une atmosphère de lune, un abîme entre le sable et les étoiles.
Les images n’existent que par évidence
Silencieuses où les couleurs se font or
Où les nuées se fondent dans le drapé des hommes
Où les arbres vous accueillent
comme leur semblable en vous entourant
avec leurs branches sans tête uniquement
avec la sève de leur corps
Pour vous emmener où se dressent encore
les mystères des contours, l’aimant des formes,
la lumière des couleurs, la foudre du mouvement,
la matière de l’esprit, l’espace de la durée.
Il faut que tu vives cela une fois
Le cœur dans l’herbe et le regard si haut
Pour revivre les jardins de ton enfance
Les roses, les nénuphars, les saules pleureurs,
le bassin dessinant un lac,
Les carpes et poissons rouges formant des îles,
une tortue et un escargot sans coquille
Qui malgré sa souffrance
Arrivait à percevoir la légèreté nue, à voyager dans vos âmes
Nul cri dans ce monde irréparable
D’impénétrable beauté ancrée dans la vérité…
Le fruit n’est pas défendu à celui qui est de toute vertu !
Note sur l’édition : Marc Michiels – Au commencement était le regard ! – Marc Michiels (2023), Ed. du Panthéon.