MICHIELS

L’aurore du Coloris

À toi qui t’apprêtes avec audace à plonger ton âme dans ce voyage intrépide, j’ose dire en préambule : sois d’abord toi-même. Car voyager avec Marc, c’est vivre avec passion chaque fragment, chaque note émotionnelle, sans se soucier vraiment de savoir ce que sera la suite. Sa vie est un nocturne. Sa réflexion est une lumière qui nous conduit dans les méandres jubilatoires et enchevêtrés de nos mémoires. Un nocturne de Chopin peut-être. Une suite de notes qui l’une après l’autre construisent en nous ces images indélébiles que nous appelons l’expérience d’une vie.

Ce que nous sommes, nous les humains déchirés par le bruit, le chaos, appartient déjà à la nuit des temps. Aussi loin que nous cherchions dans les vestiges de cette humanité par instant perdue, nous n’y voyons que des particules élémentaires. Ces atomes de notre temps, qui se percutent, qui ondulent en sinusoïdales incertaines, sont-ils les traces de nos voyages au cœur de notre mémoire ? Doit-on s’étonner alors que tout ne soit que perturbation des sens, stimulation de nos émotions, du clair à l’obscur, de la douceur d’un fondu à la brutalité d’un aplat ? Le champ magnétique qui nous retient en parcourant ce chemin dans les pas de l’homme que nous sommes, trouble nos communications internes. Il faut alors nous laisser aller sur des routes imaginaires, comme aveuglés par le soleil, distinguant des ombres, imaginant des décors familiers là où nous ne sommes jamais parvenus. Car ce voyage que tu commences avec Marc n’a pas de destination connue. Te voilà avide pourtant de savoir où il pourrait bien te conduire. C’est là le secret de l’artiste. Pourquoi faudrait-il que tu saches, que tu voies autre chose que ce qu’il souhaite te révéler ? Prends cette balade comme elle te vient et pars avec lui, là où l’aurore se lève, « car celui qui marche ainsi sur ses propres chemins ne rencontre personne… ».

Et si le soleil nous jette dans l’ombre, n’est-ce pas dans les yeux de l’homme que naissent les couleurs ?

Voilà qui nous sommes ou peut-être qui nous étions jadis. Des hommes et des femmes hauts en couleur ! Des hommes et des femmes de foi, de conviction, d’honneur. Des hommes et des femmes de parole aussi. Des hommes et des femmes dont le cœur bat la chamade lorsque, devant leurs yeux ébahis, s’ouvre le spectacle de la vie. Des hommes et des femmes de plaisirs et de peines. Des hommes et des femmes inspirés par la beauté du monde, bien davantage que par leurs propres accomplissements. Des hommes et des femmes qui prennent le temps d’aimer. Des hommes et des femmes de souvenirs et d’espoirs.

Avons-nous tout oublié de ce temps qui a disparu dans la nuit ? La mort nous a-t-elle éloignés de toutes les couleurs de notre humanité ? Sommes-nous désabusés, trahis par les objets que nous avons créés de nos mains pour mieux jouir et qui révèlent notre instinct baudelairien ? 

Nos rêves sont-ils mortels pour cet homme que nous étions ?

When I’m counting up my demons
Saw there was one for every day
With the good ones on my shoulder
I drove the other ones away
If you ever feel neglected
If you think all is lost
I’ll be counting up my demons yeah
Hoping everything’s not lost…
 
Coldplay.

Marc a embrassé l’aurore. Il vit cette pureté de l’instant avec l’énergie du diable. Il est à la fois tout ce que nous aimons et tout ce que nous redoutons. Il est ce que nous devrions être encore. Il nous enseigne ce que le temps nous offre si nous ouvrons nos esprits à la beauté d’un matin calme. Car « rien n’est plus beau que d’être sous les fleurs des cerisiers en mouvement, poussées par le vent, vers une fugace et sombre destinée ».

Aimons cette liberté, aimons avec lui ce tic-tac incessant oscillant entre sombre et éclair. Chargeons la vie sabre au clair ! Ce voyage qui t’attend est un émerveillement si toutefois tu as l’audace de le vivre de tous tes sens. Libre est celui qui aime comme il respire. Sois libre dans ce voyage !

Ainsi, d’une image à un mot, d’un tableau à une lettre d’amour, nous chavirons, ivres de liberté. Cette liberté chérie, cette liberté dont nous ne savons plus que faire, maintenant que nous aimons davantage les objets que leurs images, que nous préférons le virtuel à l’imaginaire, le mimétisme à la créativité. Pourrions-nous la retrouver dans ce lent voyage vers la beauté ? Sans doute est-ce le souhait de Marc, ou pourquoi pas un songe éclairé par une belle nuit d’été.

Audace encore quand il s’agira d’être nous tout au long du parcours, agités, ballotés par nos émotions et nos intentions. Car finalement nous serons à nouveau ce que nous sommes, si la liberté d’être nous ne détruit pas ce que nous étions hier. Nous aurions alors le choix des coloris pour teinter notre histoire. Sera-t-elle aussi lumineuse qu’une aurore ? Sera-t-elle au contraire plus noire que la nuit ? Oserons-nous la couvrir de couleurs étourdissantes sans trop d’égard pour les équilibres chromatiques ? 

Séduira-t-elle celles et ceux que nous aimons et qui nous aiment en retour pour ce que nous sommes encore ? 

Comme un nocturne solaire.

Texte : Patrice Laubignat.