MICHIELS

Promesse de l’aube

Camus, sa philosophie, comme affinité commune à l’écrivain et à l’auteur de ces lignes, pourrait sembler hors propos pour accompagner ce voyage au fil des pages où le pathétique, au sens propre du terme, le dispute au romantisme, notifié par le choix d’une œuvre d’Alexandre Calame en couverture. Encore plus en ajoutant l’évidence du spleen baudelairien comme trait unaire pour notifier la nostalgie de l’absence de ce qui aurait pu être.

L’absurde pourtant est bien là dans ces jeux, ces jeux de mots, de maux, de couleurs, de formes, et l’art de Marc est cette éternelle quête d’un entre-deux, de cette recherche du moment suspendu, d’intermèdes entre la vie et la mort, autant d’actes de résistance face à l’insensé de nos destins communs. Un moment de révolte face au tragique, un éphémère moment de liberté. 

Au solaire éblouissant de Camus, Marc répond par une lumière obscure. Dans une première version de cet ouvrage, l’absence de lumière vive, dirais-je de lumière vivre, était patente. Seule la photo avec sa compagne venait éclairer les autres fragments au mat assumé et signifiant. Comme si seul l’Autre pouvait rehausser le spectre crépusculaire choisi, hommage au pessimisme lucide des expressionnistes. 

Un nocturne solaire comme le conclut Patrice Laubignat, mais où les allers et retours entre l’image et des textes tantôt épigrammes, tantôt aux jeux de casses graphiques, induisent une lecture instable, située dans l’interstice là encore de la vie et de la mort, comme un fragment de temps.

Tout poème est poème du temps, nous dit Lionel Ray, en cela Marc impressionne ce temps par son souffle désespéré et le suspend dans un spleen cher à Baudelaire auquel on ne peut s’empêcher de penser avec cette citation en musique de fond, « si la joie peut jaillir de la Beauté, elle n’en constitue le plus souvent qu’un des ornements les plus vulgaires tandis que la Mélancolie en est pour ainsi dire l’illustre compagne».

Mélancolie d’un enfant d’entre deux siècles à la vacuité nourrie par la technologie dont les désillusions se baignent dans l’esthétique d’un romantisme déchiré et l’attrait de fragments d’Orient, un ailleurs rêvé du passé, Mélancolie de l’objet perdu et du temps sans devenir ni revenir.

Un temps qui passe, dans lequel, nous dit Camus :

D’autres après nous encore recevront sur cette terre le premier soleil, se battront, apprendront l’amour et la mort, consentiront à l’énigme et reviendront chez eux en inconnus. Le don de vie est adorable
Albert Camus.

La vie est l’ensemble des forces qui résistent à la mort, les fragments de liberté de Marc sont autant de ces forces et d’épiphanies essentielles. Une résistance à l’absurde.

Préface : Fabrice Frossard.