Aux doigts de bulles, Marc Michiels – Ed. Ragage.
Collection alternative literature.
Présentation : Briséis Leenhardt-Jan.
Illustrations : Azusa Kuroka.
Traduction : Pierre Janin.
Titres des parties :
– Une orange au goût de nuage.
– Un amour chaque nuit voyage en grand secret.
– Pénétrer du regard l’étoffe des êtres.
– Ananké.
74 pages, broché.
Achevé d’imprimer 2010.
Par l’imprimerie Avenir Numérique.
Tirage : 200 exemplaires dont 100 numérotés.
Format : 130 x 250 mm.
ISBN : 978-2-35955-130-3.
Prix : 13 euros.
« le dur désir de durer »…(1).
Après aux Passions joyeuses, Marc Michiels nous emmène dans un monde où la géographie de l’amour s’instaure comme le seul mode de repère du poète : l’ici et l’ailleurs, le monde intérieur et extérieur fusionnent et dès lors que l’être aimé s’absente, on ne peut vivre « sans s’avoir où se poser ». Virgile était son guide, ici, Marc a décidé de marcher dans les pas de Paul Éluard, celui qui fit de l’amour la poésie, et de la femme, le miroir de l’univers. Mais quand l’amour se fait égoïste, les lettres se mettent à danser, les espaces de blanc-silence emplissent la page comme le coeur et dans « les grandes marges de silence, la mémoire ardente se consume pour recréer un délire sans passé » (2).
Ainsi, le poète délaissé, revisite ses souvenirs où passé, présent et futur ne font plus qu’un : la vie, sans cesse recommencée, s’ancre dans une mémoire oublieuse. Les visages s’estom- pent, l’âme soeur s’en est allée pour se glisser au creux des nuages et filer entre les doigts d’Apollon… désormais de bulles. Tout devient « invisible, indicible, “a-visible” ; forme, multiforme, formel » ; et seuls les mots parvien- nent à dire l’impossible, tentant de préserver la frêle existence de ce(ux) qui reste(nt) : un arbre, une fleur, une goutte de rosée. Mais le langage pour le poète est une promesse de transformation de la réalité. Tel un pygmalion à force de sculpter de ses mots les traits de ce visage qui s’évanouit au milieu d’un nuage, il fait advenir un souffle de vie là où il n’y avait que matière.
Cette « larme de rosée », n’est pas sans évoquer la naissance de l’aube, l’aurore aux doigts de rose en charge d’ouvrir les portes du ciel. Ainsi, peu à peu, le néant se lève, découvrant un paradis retrouvé où les couleurs jaillissent avec la renaissance de la muse. le fleuve s’habille de rouge, la femme se vêt d’un bleu azur tandis que le poète s’arme d’écailles pour entamer son chant et atteindre cette « étoile nommée azur/Et dont la forme est terrestre » (3). Le jour et la nuit n’ont plus d’heure, nous entrons dans un monde où le rêve se fait rêvélation au coeur d’une « nuit bleue apaisée » laissant entendre la voix de l’amant qui voyage vers ce je devenu nous. L’univers des strass et des bulles qui élèverait le poète sur les hautes sphères du néant, Marc Michiels s’en éloigne, humble, préférant les « déserts à boire » où pourrait surgir son astre une « orange au goût de nuage » – Briséis LEENHARDT-JAN.
Paul Éluard :
(1) « Dur désir de durer ».
(2) « L’évidence poétique ».
(3) « Premièrement », poème 23.
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Bubble fingers,
« The harsh desire to last »… (1)
After Cheerful passions, Marc Michiels brings us into a world in which geography of love stands as the only poet’s reference : here is elsewhere, the inner and outter worlds mingle and as the beloved one leaves, we cannot live « without knowing where to settle ». Virgil was his guide, now, the author decides to follow the footsteps of Paul Eluard, who wrote Love, Poetry and turned women into the mirror of the universe. But when love is selfish, letters start to dance, blanks fill the page like a heart and
« the great margins of silence, the blazing memory smolders to recreate a pastless delirium » (2). Therefore, the neglected poet revisits his memories in which past, present and future are one : life, always resumed, anchors into an oblivious mind. Faces fade away, the soul mate went away to slide into the clouds and slip through Apollo’s fingers… from now on, made of bubbles. Everything becomes « invisible, inexplicable, a-visible ; shape- less, multiform, formal » ; and only the words manage to say the impossible, trying to preserve the frail existence of what is left : a tree, a flower, a drop of dew. But to the poet, language is a promise of transformation of reality. As a Pygmalion sculpting the features of this divine face with his words, he gives life where there was only substance.
This tear of dew reminds us of « the birth of dawn », the daybreak with rose-like fingers in charge of opening the gates to heaven. Therefore, little by little, nothingness reveals itself, uncovering a paradise once lost where colours shine forth along with the rebirth of the muse. Lethe’s river dresses in red, the woman in azure-blue whereas the poet arms himself with scales to begin his ode and reach for this « star called azur/With a terrestrial shape » (3). Day and night are hourless, we enter into a world where dream becomes revelation in the heart of an « appeased blue night », letting hear the voice of the lover that travels towards this I that has become us. Marc Michiels, humble, strays from the world of paste and bubbles that would elevate the poet to reach the highest realms of nothingness, and prefers the « drinking desert » where his star might emerge, an « orange that tastes like a cloud » Briséis LEENHARDT-JAN.
Paul Éluard :
(1) « The harsh desire to last ».
(2) « Poetic Evidence ».
(3) « Firstly », poem 23.